Auxiliaire de justice

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– Article publié dans la Lettre du SAF –

La linguistique nous est précieuse qui s’appréhende précisément « comme science auxiliaire dans les disciplines juridiques », le droit n’est certes pas une langue, mais il possède son vocabulaire. Nous le savons, les mots ont souvent des fonctions et des sens variés. Ainsi, le signifié auxiliaire est à la fois adjectif et substantif. s’il a un sens dans la langue courante, il appartient également au lexique juridique.

Dans la dernière lettre du SAF, nous avons vu que l’avocat, comme défenseur, gardant la faculté d’être avocat du diable, est aussi auxiliaire de justice.

Le mot n’est pas pour plaire à tous et certains l’escamoteraient volontiers des définitions de l’avocat au prétexte (et non pas au motif) que l’auxiliaire est un assistant.

Nous avons beau, avocats, avoir pour fonction – « noble » – d’assister, nous ne sommes pas assistants – « fonction réductrice » -. Pas plus que nous ne sommes adjoints, seconds, accessoires ; tous synonymes de l’adjectif auxiliaire. Mais synonymie n’est pas raison. Plusieurs mots : plusieurs significations : plusieurs définitions.

Certes, étymologiquement, auxiliaire, adjectif, est emprunté au latin auxiliaris, auxilium, secours. Auxiliaire, devenu substantif, est donc celui qui porte secours.

Mais un substantif peut avoir plusieurs signifiants. A fortiori, un même signifié peut avoir plusieurs définitions selon le champ lexical et la science dans lesquels il est utilisé. Par exemple, vous pourrez entendre dire « cet avocat, quel drôle de zèbre !, n’est pas un mauvais cheval. »

Il est clair que « la définition du signifié du mot « cheval » en français ne recouvre pas la définition du concept de cheval en zoologie, » tout comme, dans l’exemple, les signifiés « zèbre » et « cheval » ne répondent pas à la définition de la langue française courante, mais argotique ou familière.

Bref, il en va des définitions comme des niveaux de langage : elles varient.

Donc, auxiliaire de justice ne signifie pas assistant de justice. Fonction d’ailleurs déjà existante dans l’organisation judiciaire, « les assistants exercent leur fonction auprès des magistrats des tribunaux d’instance, des tribunaux de grande instance, des cours d’appel, de la Cour de cassation ainsi qu’à l’école nationale de la magistrature. Ils agissent sous l’autorité et la responsabilité des magistrats ».

Auxiliaire de justice ne signifie pas auxiliaire du juge, pas plus que juge ne signifie auxiliaire du pouvoir. Nous l’avons vu récemment : juges et avocats se sont mobilisés avec l’ensemble des professions judiciaires, contre une Raison d’Etat représentée par le président et certain de « ses » ministres : l’un accusant les magistrats d’avoir sanctionné à tort des policiers, l’autre de ne pas avoir appliqué la juste peine.

Et c’est l’Esprit des Lois qui a soufflé ces jours derniers dans les Palais car « tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers ».

Redoutons avec Pascal que « ne pouvant fortifier la justice, on [justifie] la force », tout en faisant fi non seulement de Montesquieu, mais aussi de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de la Constitution…

L’auxiliaire de justice n’est donc pas celui qui se couche : il ne faut pas confondre le mode auxiliaire et le mode ancillaire et les amours ainsi qualifiées.

Les auxiliaires ont aussi une voix active. Certes, grammaticalement, les verbes auxiliaires servent à former les temps composés. Par les temps qui courent, il n’aura jamais été demandé à l’avocat d’autant composer : médiation, et même composition, pénale ; procédure participative, et même collaborative.

Or, en justice, l’auxiliaire de justice qu’est l’avocat n’a pas à composer – ou si peu – avec les juges.

Le procès – quelle que soit sa nature – que certains voudraient voir disparaître est pourtant souvent le dernier lieu pour tous, le dernier moment de la discussion pour chacun : diversité des parties et des différends, différences de tons, pluralité et choix de la défense. Il est l’ici et maintenant du justiciable.

avocat droit des étrangers

Mais les verbes auxiliaires, mots grammaticaux et non lexicaux, sont aussi dits déterminants. Sans eux la phrase perd du sens.

L’avocat, parce qu’il est auxiliaire de justice, participe à et de ce devoir de justice pour tous. Il détermine son existence. Sans lui la justice perd ses principes. Car l’avocat-auxiliaire-de-justice est au service des justiciables et donc du procès équitable qu’il garantit.

Pour ce faire, l’avocat est aidé par son plus précieux auxiliaire : la déontologie.

« Parce qu’ils sont auxiliaires de justice et qu’ils ont une déontologie forte, il ne faut pas craindre leur présence dès les premiers moments de la procédure. Elle est bien sûr une garantie pour leurs clients mais elle l’est aussi pour les enquêteurs qui ont tout à gagner d’un processus consacré par le
principe contradictoire ».

Thierry Wickers, président du CNB, exprimait alors l’opinion de la profession au sujet de la garde à vue. Les membres du Conseil National des Barreaux se sont, en assemblée générale du 11 février 2011, saisis de la question. La discussion – loin d’être accessoire – porta – s’emporta – sur la nécessité d’adjoindre l’expression « auxiliaire de justice » à la définition dite courte – à destination du grand public – du mot « avocat ».

La majorité a décidé du caractère indispensable de cette qualité pour le justiciable – fût-il (surtout, peut-être) sans qualité.

Il n’est pas temps de nous effrayer. Notre statut d’auxiliaire – dont la responsabilité professionnelle est un des corollaires – ne nous empêche pas d’acquérir, encore, d’autres domaines : conclusion des actes d’avocat par exemple.Au contraire, il nous le permet en garantissant le respect des règles de probité, de secret, de conflit d’intérêts.

Nous le voyons, notre déontologie nous permet d’être auxiliaires de justice en toute indépendance et en toutes circonstances. Ce terme deviendrait-il gênant en ce qu’il inclut la mission de service public et garantit la tenue du procès équitable ?

Pour les tenants de l’idée selon laquelle nos règles d’organisation semblent ne plus pouvoir s’analyser que comme des obstacles au déploiement d’un libre marché de l’avocature, assurément.

Ils se trompent. Mieux vaut être auxiliaire de Justice de l’État de droit, qu’auxiliaire, simple second du Marché qui n’aurait plus besoin alors d’Avocats.